période wisigothique

période wisigothique

bague au poisson
Collection Société Archéologique de Montpellier

Bague au poisson

Marc Lugand
mémoire de maîtrise d’archéologie, 1983, Université Paul Valery – Montpellier

Découverte en 1851 dans une vigne bordant la voie Domitienne. Cet objet est conservé à la Société Archéologique de Montpellier qui l’a acheté lors de sa découverte. Les comptes rendus de cette société n’ont gardé aucune mention du lieu exact de la découverte mais les érudits locaux pensent qu’elle a été trouvée au secteur des « Salles » (site N° 7) et plus précisément dans la parcelle H 292.
Il s’agit d’une bague cachet en or pur pesant 21,05 gramme. Le chaton est en saillie avec une figure en creux, l’objet est en parfait état de conservation. Trouvé en dehors de tout contexte archéologique, ce bijou est difficilement datable, toutefois l’étude de la facture et surtout du décor a permis l’élaboration de deux hypothèses : celle de Alexandre Germain (Mémoires de la Société archéologique de Montpellier ; 1855) et celle d’Ed. Le Blant **.

De chaque coté du chaton dans lequel est gravé un poisson sont figurés deux reptiles (serpent ? Chenille ?). Germain voit dans cette association la symbolique chrétienne, le poisson tout d’abord, qui dès les premiers temps de la chrétienté est symbole d’eucharistie (Clément d’Alexandrie recommande aux croyants de la fin du IIe siècle de porter un poisson sur les cachets de leurs anneaux). Les deux autres animaux représentent une idée de même nature : liée à un concept de régénération (mutation naturelle de ces animaux), régénération par le baptême ou la pénitence. Pour A. Germain le style de la bague rappelle la rudesse de la décadence de l’art romain, cette pièce serait donc datable des IVe – Ve siècle.

Ed. Le Blant rapproche cette bague de celle de Saint Arnaud de Metz où figure le même symbole du poisson, il date les deux des temps mérovingiens, il souligne le fait que la représentation du poisson cesse à Rome avec les premiers chrétiens alors que son emploi persiste longtemps dans les provinces. La rareté des découvertes tardives le long de la voie Domitienne à Montbazin gène encore toute interprétation, les trouvailles de monnaies du IVe siècle sont nombreuses mais celles du Ve sont inexistantes. Doit-on se fier à ce pourcentage pour reporter la datation de la bague au IVe siècle ?

S’il est délicat de dater cet objet isolé de tout contexte archéologique il convient de souligner son extraordinaire richesse (21 grammes d’or fin) qui indique la persistance sinon d’un habitat important à Montbazin, de l’utilisation de la voie Domitienne à la fin de l’antiquité et au début du Moyen-age.

* Alexandre Germain, Mémoires de la Société Archéologique de Montpellier, Ie série, IV, p. 137
** Ed. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de Gaulle, II, p. 427, N° 608

La bague est reproduite dans l’ouvrage d’E. Bonnet : Antiquités et monuments de département de l’Hérault, 1905, page 506.

Nous présentons la bague au poisson découverte à Montbazin dans la période wisigothique, mais elle peut provenir de la période gallo-romaine tardive.

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Pierre d’autel wisigothique

Pierre d'autel d'une chapelle wisigothique
Jean-Marie Thomas et la pierre d’autel wisigothique

Un autel paléochrétien, des sarcophages et nécropoles wisigothiques ont été découverts à Montbazin par Jean-Marie Thomas. Les ruines d’une chapelle construite sur Puech Gayès, entre Montbazin et Poussan, dédiée à Saint-Sulpice de Thoron, recelait une pierre d’autel en calcaire coquillier mesurant 105 cm x 85 cm x 25 cm et pesant 300 kg. Cette table rectangulaire est évidée au centre en un tableau rectangulaire plus petit qui se raccorde à la bordure supérieure par deux bandeaux plats ressautant l’un sur l’autre, bien visibles sur la photo ci-dessus.
Elle est actuellement exposée à la chapelle Saint-Pierre, portée par un chapiteau de style dorique en calcaire coquillier d’une hauteur de 49 cm, découvert sur le site gallo-romain des Avenasses.

Chapelle Saint Pierre
Pierre d’autel wisigothique et chapiteau gallo-romain présentés dans la chapelle Saint-Pierre

Les Wisigoths

Patrick Gominet
professeur d’histoire

Peuple d’origine germanique provenant de la mer Baltique et établi dans les steppes du sud européen, du Caucase jusqu’au Danube, autour de la Mer Noire (Pont Euxin) au IIIème siècle puis essaimant en Europe danubienne. Dans les plaines russes et roumaines, au contact d’autres peuples comme les Alains (peuple asiatique…), ils deviennent de bons cavaliers. Ils sont convertis à l’arianisme au IVème siècle, une forme de christianisme contestant la divinité du Christ et condamné au concile de Nicée en 325. Bousculés par les Huns, les Wisigoths cherchent à se réfugier en territoire romain (Balkans) à titre d’auxiliaires de l’armée romaine (fédérés : unis à l’empire par un traité d’alliance ou foedus *) mais la bonne entente ne dure pas. Leur roi Alaric élu en 395 (l’année où Théodose devient Empereur), reprend la lutte contre l’Empire et les autres peuples barbares (Francs, Alains, Alamans…), et emmène son peuple piller l’Illyrie (ex-Yougoslavie) puis l’Italie romaine où les Wisigoths pillent Rome trois jours en 410 (premier sac depuis les Gaulois au IVème siècle av JC).

Au moment des invasions des Vandales en Gaule au début du Vème siècle, les Wisigoths s’allient avec l’empereur qui les autorise à s’y établir en 412. Le roi Athaulf prend Narbonne en 413 puis Toulouse. Il s’allie aux élites gallo-romaines, épouse Galla Placida, une otage, sœur du futur empereur Honorius. Les Wisigoths entendent restaurer la puissance romaine en Gaule et en Espagne mais le nouvel empereur, Honorius, les combat et les repousse en Catalogne avant de changer de politique et de signer en 418 un nouveau foedus avec leur roi Wallia. Les Wisigoths sont autorisés à s’établir en Aquitaine sans la Narbonnaise toutefois. Ils fondent ainsi le premier royaume germanique, vassal de Rome, qui s’étend au-delà des Pyrénées et dont la capitale est Toulouse. Les Wisigoths cherchent à s’allier aux élites gallo-romaines en respectant la loi romaine. Toutefois, ils restent peu nombreux (100 000 au début du Vème siècle, 200 000 au milieu, 8000 guerriers seulement dont des mercenaires huns, alains, sarmates, taïfales…). La cohabitation avec les gallo-romains est difficile. Si certains Romains acceptent de collaborer, les Wisigoths restent dans l’ensemble des étrangers dans leur propre royaume. Ayant perdus leurs traditions agricoles ils ont du mal à exploiter leurs domaines. Ariens, ils se heurtent aux gallo-romains fidèles à la foi orthodoxe de Nicée. Ayant perdus leur langue, ils parlent un mauvais latin. Les mariages mixtes sont rares. Les Wisigoths conservent donc leurs coutumes, leurs tenues, travaillent le métal à leur manière où ils s’avèrent habiles (bracelets, parures, couronnes, fibules, boucles de ceinturon, armures…). Ils ne cherchent guère à s’assimiler du reste et sont, en outre, très dispersés. Leur nouveau roi Théodoric Ier édicte des lois wisigothiques. Les traces de leur civilisation se retrouvent dans la toponymie où certains noms de villes et villages d’Aquitaine pourraient provenir de personnages wisigoths (Andela devenu Anzex, Mundila Montech, Wulfila Golfech). De même, des dérapages du nom de goth auraient donné des noms tels Goux, Goudou, Goudaille, Goudour, Gouts, Goux. En matière architecturale, les vestiges que l’archéologie met à jour constituent pour l’essentiel des remparts comme ceux, imposants, de leur capitale, Toulouse ou de nécropoles. Les motifs de décoration que l’on y trouve consistent en des mélanges de dessins géométriques tels que spirales, tresses, cercles, rosaces, rectangles et triangles, des représentations de végétaux tels que la vigne, le raisin, le palmier.

Au milieu du Vème siècle l’agitation des peuples barbares reprend avec notamment l’expansion des Huns, ex-alliés de Rome. En 451, les Wisigoths participent avec les Romains à la bataille des Champs Catalauniques près de Troyes qui repousse ces envahisseurs emmenés par Attila mais où Théodoric perd la vie. Le successeur de Théodoric, son fils Théodoric II, rompt le traité d’alliance avec les Romains et envahit la Narbonnaise, une province qui prend peu à peu le nom de Septimanie**. Les Wisigoths conquièrent aussi la Provence en 476 au moment de la chute de l’Empire romain d’Occident et le reste de l’Espagne en faisant reculer les Suèves dans le Nord-Ouest. En conquérant l’Auvergne, enfin, les Wisigoths parviennent à la plus grande extension de leur royaume. On comprend, à la description de Narbonne par Sidoine Apollinaire, que la province suscite la convoitise. Au Vème siècle, Narbonne en effet, est encore entourée de murailles, dispose d’un port, d’un forum, d’un théâtre, de temples, d’un capitole, d’arcs de triomphe, de thermes, de greniers, de marchés, de fontaines…

septimanie
Carte de Septimanie dans « La Septimanie au regard de l’Histoire », A. Bonnery – Loubatières 2005

Mais, les Wisigoths au contraire des Francs, ne parviennent pas, comme la plupart des autre peuples barbares ariens, à fédérer la majorité des populations gallo-romaines. Le roi Euric persécute les catholiques et leurs évêques, fait occuper la cathédrale Saint Sernin à Toulouse. Outre son intolérance religieuse, le code d’Euric (480) interdit les mariages mixtes mais il constitue néanmoins un effort de transcription écrite (en latin) du droit wisigothique jusque-là transmis oralement. Chacun reste cependant jugé selon le peuple auquel il appartient. Les gallo-romains espèrent donc en la puissance des Francs unifiés par Clovis (Chlodweg), baptisé à Reims en 496 ou 498 par l’évêque Rémi, avec 3000 guerriers francs, dans la religion catholique. Les Francs progressent au Nord de la Loire. Les Ostrogoths et leur roi Théodoric maître de l’Italie s’allient aux Wisigoths pour faire face à cette menace. Sans doute celle-ci pousse-t-elle le nouveau roi wisigoth Alaric II à une politique religieuse plus conciliante, en autorisant par exemple la tenue du concile catholique d’Arles en 506. Il promeut le Bréviaire d’Alaric, un abrégé de la loi romaine contenue dans le Code théodosien et que Clovis reprendra à son compte et étendra à l’ensemble de ses sujets romains.

Lorsqu’en 507 Clovis envahit l’Aquitaine, Alaric fait transporter le trésor wisigoth de Toulouse à Carcassonne (d’où la légende du trésor wisigoth enterré à Capendu au pied de la Montagne d’Alaric). En 508, à la bataille de Vouillé près de Poitiers, l’armée des Francs vainc l’armée wisigothe, les lances franques s’avérant supérieures aux javelots wisigoths. Clovis tue Alaric et est acclamé par les gallo-romains lorsqu’il s’avance en Aquitaine. La reine Téodegonde, son fils Amalaric et la cour s’enfuit à Barcelone. L’intervention de Théodoric permet cependant d’empêcher les Francs de s’installer en Septimanie. Le royaume wisigoth se réduit donc à l’Espagne, que les Wisigoths vont achever de conquérir au VIème siècle installant leur capitale à Tolède, et à la Septimanie. Lorsque le roi Récarède se convertit au christianisme nicéen lors du IIIe concile de Tolède (589), la Septimanie devient le refuge de l’aristocratie arienne. Malgré tout le christianisme orthodoxe continue à s’y répandre à partir de l’église métropolitaine de Narbonne où se tient un important concile en 589 et des églises cathédrales d’Elne, Agde, Maguelonne. Les Francs tentent plusieurs raids en Septimanie au VIème siècle mais sont battus par le duc wisigoth Claude. Au VIIème siècle, le duc Paul tente une sécession de la province narbonnaise réprimée par le roi Wamba. Au VIIème siècle également une épidémie de peste ravagea toute la province.

En 711, les Arabes envahissent l’Espagne. En 719 Narbonne tombe aux mains des sarrasins puis Carcassonne et Nîmes en 725 : c’est la fin de la province wisigothique. Mais, comme l’on sait, Charles Martel et ses soldats Francs, sollicité par le roi Eudes, duc d’Aquitaine, stoppe un raid musulman d’Espagne à Poitiers en 732. Poursuivant son avance, il ravage la Septimanie refuge des armées sarrasines. Il détruit Maguelone, Agde, Béziers, Nîmes devenues places fortes sarrasines, une brutalité qui ne rend pas les Francs populaires. Son successeur, Pépin le Bref, conquiert la Septimanie avec l’aide de l’aristocratie wisigothique révoltée contre la domination musulmane. En 752 Pépin reprend Nîmes, Maguelonne, Béziers où le roi laisse l’autorité comtale aux goths qui lui avait facilité la tâche. Les Francs reprennent Narbonne dans une seconde expédition en 759 ; Pépin fait la promesse solennelle que les habitants pourront continuer à vivre selon la loi wisigothique. C’est pourquoi la province deviendra la Gothie. Elle est intégrée au royaume d’Aquitaine en 778 puis en 817 dans la Marche d’Espagne dont la capitale est Barcelone. Un duché de Septimanie est créé qui deviendra le marquisat de Gothie, détaché de la Marche d’Espagne vers 865 pour constituer une principauté avec Narbonne comme capitale.

* Foedus : c’est un traité passé entre la Rome antique et une cité ou un peuple étranger qui prend alors le statut des citée alliée ou de peuple fédéré. Il autorise l’installation du peuple sur le territoire sous domination romaine aux conditions suivantes :
– Le peuple fédéré s’installe de façon indépendante avec ses propres lois et ses dirigeants.
– Le peuple fédéré n’est pas soumis à la loi romaine, ni à l’impôt romain.
– Les Romains qui demeurent sur le territoire fédéré dépendent de la loi romaine.
– L’Empire peut recruter des soldats chez les fédérés contre rétributions. Ces combattants combattent avec leur armement et leurs chefs et non avec un armement et des officiers romains.
Cette gestion moderne du territoire permettra à l’Empire Romain de gérer un territoire extrêmement vaste et d’avoir une armée rompue à la géographie et à la topographie des lieux d’intervention. Cet exemple de traité va permettre, alors que l’Empire décline, d’associer les peuples envahisseurs.

** Septimanie : Le terme apparaît pour la première fois au Vème siècle dans les écrits de Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont et source d’information principale sur la présence des Wisigoths en Gaule. Pour l’historien Jean Favier, le terme proviendrait de l’occupation de cette province par la septième légion romaine. La Septimanie finit par désigner le Languedoc actuel et les sept évêchés de Narbonne, Béziers, Agde, Lodève, Nîmes, Uzès, Maguelonne.

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